Quand on vous parle de la République Démocratique du Congo, on vous raconte ses immenses richesses naturelles, sa taille continentale, ses guerres et ses violences, ses politiques, ses chanteurs et ses artistes, ses voisins et récemment, heureusement, ses femmes et ses hommes dans les Sciences, Technologies, Ingénieries et Mathématiques (STEM en anglais ou STIM en français).
Un autre sujet favori de discussion est son système éducatif que d’aucuns aiment à qualifier (trop vite) de médiocre. Je ne partage pas cet avis (il faut être plus nuancé). D’abord, parce que j’ai conscience du processus en cours et ensuite, parce que je peux vous citer quantité d'exemples concrets où l’on parlerait d’excellence plutôt que de médiocrité. Mais, je ne vais pas aborder ce point dans cet article. Non. Ici, je vous propose de découvrir la République Démocratique du Congo au travers de son offre éducative au secondaire. Car après tout, nous parents voulons savoir où nous pouvons inscrire nos adolescents selon leur capacité et/ou leur choix (et souvent des nôtres).
Les données présentées ici sont tirées de la géolocalisation des écoles secondaires réalisée par le Projet d’Éducation pour la Qualité et la Pertinence des Enseignements aux niveaux Secondaire et Universitaire (www.PEQPESU.com) au sein du Ministère de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel (MEPSP). Cette opération a permis la distribution des 18.000 kits scientifiques qui viennent en appui des nouveaux programmes du Domaine d’Apprentissage des Sciences. Environ 80% des écoles secondaires ont été ainsi géolocalisées entre octobre et novembre 2018. La principale difficulté rencontrée a été l’insécurité dans certaines zones du pays rendant les écoles inaccessibles aux équipes du ministère. Une deuxième campagne de géolocalisation pour les écoles primaires et les institutions de l’enseignement supérieur et universitaire est prévue à partir de septembre 2019.
Les données récoltées couvrent notamment les sections et options organisées dans les écoles, le nombre d’élèves, le nombre d’enseignants, la couverture réseau mobile, les moyens de déplacement et coûts du transport. Qu’avons-nous appris au sujet de l’offre éducative au secondaire en RDC ? C’est une première que je vous livre ici !
Par offre éducative, nous entendons ici les sections, options et leur nombre, proposés par les écoles dans les provinces du pays. Selon les données récoltées à ce jour, globalement, l’offre éducative en RDC s’élève à 57.150 possibilités au secondaire. Ces dernières se répartissent de la manière suivante selon les sections/options :
Commençons par la distinction entre l’offre publique et l’offre privée. Par offre publique, nous entendons celle offerte par les écoles publiques, dont les écoles conventionnées (catholiques, protestantes, etc.). Une particularité congolaise ! L’offre privée est quant à elle proposée par les écoles privées. En RDC, nous avons globalement 67% d’offres publiques contre 33% d’offres privées. Mais, les détails par province sont intéressants. En RDC, nous avons 26 provinces administratives. Si vous avez besoin d’une carte des provinces de la RDC pour suivre, vous pouvez en trouver sur https://bisonews.com/les-26-provinces-de-la-rdc/.
Les deux provinces qui ont les plus grandes offres éducatives sont le Kwilu (Chef Lieux Kikwit) (7.284 offres) et Kinshasa (7.274 offres). Mais, c’est au Haut-Katanga (Chef Lieux Lubumbashi) qu’il y a la plus forte proportion d’offres privées (83% de privées contre 17% de publiques). A Kinshasa, ce n’est pas mal non plus avec 80% d’offres privées contre 20% d’offres publiques ! La proportion la plus fortement inversée se trouve au Kwilu avec 94% d’offres publiques contre 6% d’offres privées. Cette province regroupe beaucoup d’écoles conventionnées.
Concernant la répartition de l’offre éducative en fonction des sections et options organisées dans nos écoles (voir la première figure), ce qui nous frappe, c'est la proportion (exagérée) d’offres de la section Pédagogie (18.596, soit 33% de l’offre éducative totale). C'est dans cette section que nous formons les maîtres d’école primaire par exemple. Elle serait perçue (à tort) par les promoteurs d’écoles comme demandant un minimum d’investissement et donc "facile à proposer". En caricaturant, c’est : une classe (ou ce qui y ressemble), un enseignant, des élèves, à peine le programme officiel, j’ai une section Pédagogie ! Heureusement, une réforme est en cours à ce propos au sein du Ministère de l’EPSP.
Étonnamment, l’offre Commerciale ne représente que 9% de l’offre totale et l’offre Littéraire, seulement 5% ! Pour la section Scientifique, l’option Bio-Chimie représente 13% de l’offre totale alors que l’option Math-Physique ne représente que 2% ! C’est l’une des raisons qui ont poussé les experts du Ministère de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel de proposer la fusion de ces deux options pour créer les Humanités Scientifiques avec une formation plus complète de nos élèves. A ce propos, je vous invite à lire mon précédent article sur les Femmes dans les STEM en RDC en cliquant ici. Les champions de l’offre Scientifique sont Kinshasa (1.918 offres), le Kwilu (1.210) et le Haut-Katanga (804). Le trio du bas avec le moins de possibilités pour cette section est formé du Haut-Lomami (96), de la Tshuapa (63) et du Bas-Uele (31).
À propos des sections Technique et Professionnelle, arrêtons-nous sur la section Agricole. A priori, elle devrait être une priorité dans un pays qui compte 80 millions d’hectares de terres arables dont on exploiterait environ que 10% (mais cela ne veut pas dire que nous devrions tout exploiter !). Elle ne représente que 8% de l’offre totale et le palmarès des provinces est le Kwilu (764 offres), le Nord-Kivu (763) et le Kwango (496). Sans surprise, Kinshasa est la dernière en cette matière avec seulement 17 offres pour la section Technique Agricole. Si vous êtes dans la région et que votre enfant veut s’inscrire en Technique Agricole, il faudrait l’envoyer au Kongo-Central ou au Kwango. Il y aura plus de choix.
Dans ce tableau de l’offre éducative en RDC, il y a deux mystères : la section Technique Informatique et la section Technique Artistique. Commençons par cette dernière. Je vous disais en introduction que nous étions, nous congolais, célèbres pour nos musiciens et nos artistes. À côté des stars, nous avons une kyrielle d’artistes, des chanteurs qui agrémentent dans les bars nos soirées dites « karaoké ». Mais où sont-ils formés ? Sur tout le territoire, vous n’avez que 80 offres pour la section Technique Artistique et dont la plus grande proportion est au Haut-Katanga (31%). A Kinshasa, vous en avez seulement 8 ! Je suis d'avis qu’il faudrait l’augmenter. Pourquoi attendre les Beaux-Arts au niveau de l’enseignement supérieur pour les former ? Nous savons que nos jeunes aiment cela. D’ailleurs, la tendance pour nous dans les STEM est de passer aux STEAM pour Sciences, Technologies, Ingénieries, Arts et Mathématiques. C’est donc à mon sens contre-productif de ne rien (ou trop peu) proposer comme offre Technique Artistique.
L’option Informatique dans la section Technique est une option récemment créée dans notre système éducatif. Je dois encore en étudier tout le contenu, mais c'est bien une nécessité. En effet, nous devons absolument développer une culture numérique auprès de tous, jeunes et vieux, de 3 à 99 ans. Mais, certains d’entre-nous doivent se spécialiser pour développer, créer, monter, maintenir, déclasser et/ou recycler. Mais comment expliquer qu’il n’y ait que 390 offres disponibles et que c’est dans le Kwilu (103 offres), le Sankuru (42) et le Kasaï (37) qu'elles sont les plus nombreuses ? À Kinshasa, où l’environnement serait plus favorable (électricité, équipements, enseignants, pièces de rechange, clients, etc.), il n’y a que 6 offres disponibles ! Au Haut-Katanga, on en compte que 2 !
Ceci nous amène à l’accès à Internet dans nos écoles. Lors de la géolocalisation des écoles, nous avons récolté des données sur la couverture de réseau mobile.
82% des écoles géolocalisées sont couvertes par un ou plusieurs réseaux mobiles, malgré les problèmes constatés de qualité et de couverture du réseau à certains endroits! C’est une très bonne nouvelle. Cela nous permet d’envisager des stratégies pour améliorer la gestion du système, la qualité et l’offre éducative avec des solutions mobiles.
La géolocalisation des écoles offre une quantité prodigieuse d’informations. Notre objectif était seulement de savoir où se trouvent les écoles pour leur fournir leur kit scientifique. Nous y avons découvert notre pays, ses réalités, ses défis et ses opportunités. Cela nous a rendus plus humbles, mais aussi plus forts et confiants en l’avenir. Parce que chaque difficulté est une occasion de comprendre, d’apprendre, de planifier, de faire mieux et d’accepter d’abandonner lorsque rien ne peut être fait de mieux dans l’immédiat.
Je terminerais par cette citation dont je ne connais plus l’auteur : « si vous ne pouvez m’aimer, cherchez au moins à me comprendre. »
Raissa Malu
